Ce ne sont pas moins de 105 bougies que l’un des artistes polymorphes les plus prestigieux de Suisse souffle en ce 21 février.
Celui qui est à l’origine de la gigantesque céramique La jeune fille et le Minotaure à Martigny, ne peut se résumer en quelques lignes. Né à Lucerne en 1909, Hans Erni allie ses talents de peintre, graveur, sculpteur, illustrateur, à un esprit aiguisé tourné vers les lettres et la politique. Ayant débuté en tant que dessinateur au sein du bureau d’architecte de Friedrich Felder, il intègre l’école d’art de Lucerne en 1921. S’ensuit une trajectoire où la créativité n’a d’égale que sa vision avant-gardiste.
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De rencontres en découvertes, Hans Erni tisse sa toile. Il part à Paris, voyage en Europe, s’entretient avec des artistes majeurs tels que Kandinsky, Braque, Mondrian, Picasso, ou encore Kalder. Très vite, il se joint à des mouvements artistiques, notamment le groupe Abstraction-Création. Il côtoie également les adeptes du Bauhaus. Hans Erni organise la première exposition d’art contemporain à Lucerne en 1936, en y convoquant les plus grands. Très engagé socialement à la fin des années 30, il revient à une peinture figurative afin de rendre son esthétique plus lisible et clairement orientée. Cependant, son oeuvre ne s’étrangle pas dans des visons étroites et sociétales; la critique des grandes crises politiques de l’époque jouxte des sujets classiques chers à la peinture, tels que l’étude du corps ou la recherche des couleurs dans la nature.
Dans les années 50, le développement des sciences et des connaissances achemine son lot d’interrogations au sein de l’oeuvre du créateur. La volonté progressiste qui accompagne l’explosion des technologies idoine à l’époque se heurte, sous son pinceau, à l’effroi de ce que l’homme repousse sans cesse les limites du possible. La fresque murale – structure chère à l’artiste- Les conquêtes de l’homme, datant de 1954 et ornant le Musée Ethnographique de Neuchâtel, témoigne de cette volonté d’une société machiniste pacifique. Sous forme symbolique, l’artiste met en scène les sciences – notamment la chimie, la biologie, et la physique – triomphant des difficultés humaines. Autre exemple probant, la fresque La Conquête du temps datée de 1958 qui trônera dans le Pavillon suisse lors de l’Exposition universelle de Bruxelles. Ce triptyque, centré sur le thème de l’horlogerie, dessine une dialectique entre science et paix. La première section détaille l’évolution de la mesure du temps, du clocher à la téléphonie. La deuxième section se penche sur la technique de la mesure du temps; l’horloger apprend à mesurer la durée grâce aux conseils de la figure mythologique Chronos. La troisième partie traite de philosophie; de Ptolémée à Einstein, les grands de ce monde ont débattu de cet espace immatériel qu’est le temps. Par cette oeuvre, Hans Erni démontre que les inventions peuvent concourir au bien de l’humanité, et non se focaliser immuablement sur la conquête du pouvoir ou participer de la destruction.
Pour finir sur une note légère, n’oublions pas que ce créateur est à l’origine de nombreux timbres dédiés aux services postaux suisses. Une Fondation à son nom voit le jour en 1977, puis un musée ouvre ses portes en 79 à Lucerne, accueillant une rétrospective de ses oeuvres, teintées de surréalisme et exploitant une riche panoplie de techniques picturales.